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Yann Houry : « La technologie permet de s’affranchir de la contrainte de l’édition scolaire classique »

Enseignant depuis 1999, Yann Houry, professeur certifié de français, exerce au collège de Labrit (Landes).

Vous avez créé le site Ralentir Travaux, qui propose une série de manuels numériques pour le collège. Quelle en est la genèse  ?
Je suis professeur de français depuis 1999, en collège. Ayant toujours écrit mes cours, j’ai accumulé des ressources pédagogiques que j’ai décidé de mettre en ligne en 2007, au départ sur un tout petit site destiné à mes élèves. Passionné d’informatique, j’y ai vu l’occasion de mettre cet intérêt au service de ma discipline. Je pensais à un work in progress et j’ai choisi «  ralentir travaux  » en hommage au recueil de poèmes surréalistes du même nom. Et aussi parce que l’accélération technologique exige de ralentir pour faire le point... Par la suite, une fois rendues publiques, ces données se sont enrichies des regards extérieurs, notamment de collègues, et je les ai progressivement étoffées. En 2012, le besoin s’est fait sentir d’y mettre de l’ordre. Cela s’est concrétisé par un premier manuel, de 4e, suivi par ceux de 6e et de 5e. Je n’ai pas réalisé de manuel de 3e car, à force de tout faire soi-même, cela devient lourd à gérer. Je souhaiterais plutôt m’orienter vers un travail collectif, d’autant qu’il faudrait maintenant s’adapter aux nouveaux programmes. La transformation de l’ensemble actuel en un « wiki », utilisant la même application que Wikipédia, est une hypothèse de travail.

Quel est le mode d’accès à ces manuels  ? Est-ce payant ou gratuit  ?
Un peu des deux, mais surtout gratuit. Afin d’avoir une visibilité et de multiplier les accès, je me suis efforcé de placer les manuels sur un maximum de plates-formes numériques : sur iBooks Apple, dans un premier temps, puis sur Amazon, Kobo et Google Play. Sur ces trois dernières, les manuels sont payants, autour de 2 euros, mais cela représente très peu de ventes et n’a jamais constitué une source de revenus. Aujourd’hui, ces accès différents, correspondant à des formats et des équipements différents, existent toujours, mais tout est désormais disponible gratuitement sur iTunes U. C’est à la disposition des enseignants, à la seule condition d’en formuler la demande sur le site Ralentir Travaux. On peut également télécharger les manuels directement sur le site, au format PDF, mais cela ne permet pas de conserver certains éléments interactifs comme les vidéos.

Où en êtes-vous en termes d’audience  ?
De 2012 à 2015, sur la plate-forme Apple, 32 000 manuels avaient été téléchargés. En 2015, j’ai décidé de ne pas continuer avec ce partenaire dont j’ai perçu les exigences techniques comme une forme de contrôle qui ne me convenait pas. Malgré ces détours, l’audience globale n’a cessé d’augmenter au fil des années. En 2015, Ralentir Travaux a reçu 2,5   millions de visites, selon les données Google Analytics, et il enregistre aujourd’hui entre 7  000 et 15  000 visites quotidiennes.

A quoi bon produire des manuels numériques si, dans le même temps, toutes les classes conservent des manuels imprimés  ?
La tendance est inexorablement à la diversification des ressources. Les enseignants ne se servent pas forcément, ou pas exclusivement, des manuels papier. Ils passent beaucoup de temps à recomposer à leur gré des ressources glanées à droite et à gauche. Il suffit de les voir, le matin, à la photocopie  ! Aujourd’hui, avec la progression du taux d’équipement, la technologie met à leur disposition toute une série d’outils d’autoédition, numérique ou pas, qui leur permettent, s’ils le veulent, de s’affranchir de la contrainte de l’édition scolaire classique. Logiquement, des acteurs nouveaux émergent. J’en fais partie, avec d’autres, mais je ne suis qu’un artisan. Et il faut bien comprendre qu’il reste de la place pour tout le monde. Tous les enseignants ne vont pas se lancer dans l’édition  ! Les éditeurs scolaires ont encore de beaux jours devant eux, ne serait-ce que par leur capacité à acheter des droits.

Quelle reconnaissance avez-vous de la part de l’institution scolaire  ?
Je me suis longtemps senti seul et j’ai le sentiment de revenir de loin. Mais il y a aujourd’hui aux niveaux national et académique une impulsion qui favorise les initiatives de ce genre.