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Bernadette Groison : « Les propositions de réductions de postes sont irresponsables »

Bernadette Groison est secrétaire générale de la FSU Fédération syndicale unitaire)

François Fillon propose 500 000 suppressions de postes de fonctionnaires, Alain Juppé 250 000... La probabilité augmente d’une reprise massive des réductions de postes d’enseignants. Comment prenez-vous cette réalité politique  ?
C’est désolant, et cela suscite de la colère et de l’incompréhension. Nous savons très bien ce que produisent des réductions de postes. Nous avons vu, avec 80 000 suppressions sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à quel point c’est destructeur pour l’éducation nationale. Nous voyons aussi, avec ce quinquennat, qu’il n’est ni simple ni rapide de rattraper ce qui a été défait. Et donc, si l’on repart dans l’autre sens, cela remet en cause toute une série de réformes qui, pour nous, sont importantes, comme le rétablissement de la formation initiale. Cela rend quasi impossible toute formation continue, tout abaissement des effectifs dans les classes, tout travail en petits groupes. Cela compromet le «  plus de maîtres que de classes  » dans le premier degré. C’est la dégradation assurée des conditions de scolarisation des élèves et l’aggravation des tensions pour les personnels. Tout cela au moment où nous avons tant de défis à relever  ! Comment peut-on ne pas comprendre que l’éducation est un investissement et que cela passe par des moyens humains  ? Si l’on croit nécessaire de faire réussir tous les jeunes et d’élever le niveau de qualification, ces propositions sont irresponsables.

Que pouvez-vous faire contre  ?
Expliquer, décrire les conséquences qu’auraient de telles décisions. Il nous faut réaffirmer les besoins et les enjeux de l’éducation nationale, rappeler que, pour accomplir un travail de qualité, nous ne pouvons nous passer des médiateurs que sont les personnels de l’éducation.

Cela, c’est d’ici à la présidentielle. Mais quelle légitimité auriez-vous à vous mettre en travers d’un choix qui serait validé par le suffrage populaire ?
Dans une démocratie, on respecte le suffrage universel et on respecte aussi le droit à dire son désaccord. La légitimité d’un gouvernement ne fait pas disparaître pour autant celle que nous avons en tant que représentants des personnels. Nous userions donc de notre droit à exprimer très fortement notre désaccord par les moyens, tout à fait classiques et traditionnels, à notre disposition. Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’alerter l’opinion et de nous mobiliser, bien sûr avec d’autres organisations syndicales, car aucune ne pourrait rester silencieuse devant des mesures aussi destructrices.

N’avez-vous pas, avec d’autres forces syndicales, « raté » la bataille de l’opinion en faveur des services publics  ?
Lorsqu’on parle de la fonction publique, c’est souvent lors des discussions budgétaires et seulement sous l’angle du coût. Et l’on n’échappe pas au dénigrement des fonctionnaires, qui va de la plaisanterie aux discours structurés. Mais il y a en France un paradoxe : les mêmes qui aiment critiquer les fonctionnaires vont louer leurs services en cas de catastrophes ou de drames comme les attentats. Les syndicats n’ont pas assez montré, ces dernières années, comment, à rebours des clichés qui circulent, la fonction publique s’adapte en permanence aux évolutions de la société. Et le gouvernement n’a pas eu un discours cohérent à ce sujet. Du coup, nous ne sommes pas suffisamment armés contre des offensives du genre de celle que mène aujourd’hui François Fillon.

Certains de vos adhérents n’ont-ils pas passé quatre ans à suggérer que les 60 000 postes étaient plus ou moins illusoires et que le pouvoir en place ne se distinguait guère de la droite ?
La FSU n’a jamais tenu ce discours. Il y a eu des désaccords sur certains sujets - les rythmes, le collège... -, mais nous n’avons jamais dit que les 60 000 postes n’étaient pas créés, même s’il peut en manquer quelques centaines dans le dernier budget et s’il reste, dans certaines disciplines, des postes vacants. Nous avons toujours été, ces dernières années, dans la nuance. Or la nuance, c’est cela qui est difficile à pratiquer dans notre pays.