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Comprendre la haine en ligne pour mieux la combattre

Sur Internet, les messages de haine à l’encontre des individus ont presque toujours recours aux stéréotypes racistes, xénophobes, antisémites ou sexistes visant des cibles collectives. Deux faces d’une même série de phénomènes contre lesquels l’école a son rôle à jouer


Les 23 et 24 janvier, à l’université de Nice-Sophia- Antipolis, doit se tenir un colloque international sur un thème qui concerne aujourd’hui tous les responsables éducatifs : « Les jeunes et l’incitation à la haine sur Internet ; victimes, témoins, agresseurs ? » Organisée par Catherine Blaya, professeure en sciences de l’éducation et présidente de l’Observatoire international de la violence à l’école, cette manifestation, soutenue par le rectorat de Nice, doit rassembler environ 160 participants-chercheurs, mais aussi chefs d’établissement, enseignants, étudiants, responsables associatifs...
Parmi d’autres initiatives prises ces dernières années, c’est un jalon de plus dans la construction d’une résistance intellectuelle à des phénomènes qui viennent bousculer, voire franchement menacer, les principes de la vie en société démocratique. « Dans un contexte national et international d’augmentation générale du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie », relève la note de présentation du colloque, il s’agit, à travers plus d’une quinzaine de contributions de chercheurs, d’étudier à la fois « les discours haineux », qui peuvent viser des individus dans le cadre du cyberharcèlement, et « les discours d’incitation à la haine » à dimension plus idéologique. Deux aspects inséparables, du fait que le harcèlement individuel se pratique presque toujours en utilisant des stéréotypes à connotation raciste, xénophobe ou sexiste.
Universitaire, l’approche suivie est donc distante des simplifications qui courent dans le débat public, mais elle est aussi pragmatique, pluridisciplinaire, et ne néglige pas la dimension politique de la haine sur Internet. Financée par le CNRS dans le cadre de l’appel à projets « attentats-recherche », lancé après les attentats de novembre 2015, une étude conduite par Catherine Blaya auprès de 1 587 collégiens et lycéens s’interroge sur l’adhésion à la violence extrémiste. Ses résultats montrent qu’un jeune sur trois a été exposé à des contenus haineux lors des six derniers mois précédant l’enquête, que 13,8% se déclarent victimes et 9% auteurs. Seulement cinq jeunes interrogés déclarent avoir été en contact, via Internet, avec « un groupe organisé ». Il ne faudrait pas pour autant minimiser l’emprise de l’extrémisme en ligne, dont tous les aspects, théories du complot et autres discours se présentant sous l’angle de la « dissidence », sont examinés par les contributeurs au colloque. Leurs travaux, qui seront bien sûr publiés, sont précieux, car la bonne volonté ou la combativité ne suffisent pas pour contrer la dissémination de la haine en ligne.
Seule la finesse des analyses est susceptible d’aider les responsables éducatifs à endiguer non ce flot -car il est déjà déferlant à une échelle industrielle et planétaire- mais sa capacité à gagner les consciences.
Face au pouvoir de dissémination extraordinaire qu’offre aux extrémismes le quasi-abandon par les prestataires numériques de la notion de responsabilité éditoriale, les chercheurs s’accordent à juger crucial le rôle de l’éducation pour déjouer les pièges, déceler les manipulations et hiérarchiser les sources. A ce propos, un article du Monde du 16 janvier nous apprend que RT (Russia Today), média russe international dirigé par le Kremlin, s’apprêterait à lancer une chaîne en langue française. Détail : au lendemain du 13 novembre 2015, RT diffusait sur le Web l’interview d’un pseudo-expert expliquant que ces attentats étaient « l’œuvre des services secrets occidentaux ». La vidéo, comme d’autres, est toujours en ligne. L. C.