L’actuelle équipe ministérielle est-elle en train d’éliminer avec méthode ou d’aménager avec pragmatisme ce qui a été fait par la précédente ? Si les deux analyses coexistent, c’est que la réalité est elle-même ambivalente et évolutive. Deux grands dossiers l’illustrent
Depuis l’entrée en fonctions du ministre de l’éducation, des interprétations diverses perdurent sur ses décisions et sur leur portée réelle. Le message diffusé à l’opinion est, jusqu’à présent, plus facile à décoder : des « méthodes qui marchent » aux annonces sur le rétablissement (en paroles) du redoublement et à l’exaltation des « fondamentaux », tout concourt à suggérer un tournant à droite.
Mais au-delà de ces apparences, qu’en est-il vraiment ?
Deux dossiers se prêtent le mieux aux conjectures sur le thème du « détricotage » - le mot du moment - des réformes précédentes : celui du collège avec un ensemble de modifications de l’arrêté de 2015, et celui, dans le primaire, des classes de CP à douze, venant percuter le dispositif « Plus de maîtres que de classes » lancé par la gauche en 2013. Dans les deux cas, certains concluent au retour en arrière et d’autres sont plus tempérés. La réalité est suffisamment ambivalente pour laisser coexister ces interprétations opposées.
Sur le collège, l’élimination pure et simple des huit thématiques prévues pour les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) est une exécution symbolique qui n’a échappé à personne et surtout pas à ses auteurs. La possibilité que les marges de manœuvre de la réforme de 2016 soient utilisées pour rétablir des enseignements optionnels accrédite la version « dure ». Certains chefs d’établissement et enseignants parlent d’écœurement et de démotivation, disent que ce qui était entrepris est remis en cause, que les éléments plus conservateurs ont repris le dessus.
Mais d’autres rappellent que ni les EPI ni l’accompagnement personnalisé ne sont interdits, que les décisions restent du ressort des établissements et que ce qui a commencé chez eux se poursuivra l’an prochain. Ils ajoutent que l’application de la réforme de 2016 était déjà, dans les faits, variable, et que ce sera encore le cas. On en viendrait simplement à une version moins contraignante, fondée sur le principe du volontariat local, avec pour conséquence plus de différences entre établissements. Les tenants du détricotage répliquent que cette balkanisation n’est elle-même que le premier stade d’une extinction progressive...
Un scénario similaire est en place en ce qui concerne le dispositif « Plus de maîtres... ». Le ministre a dit qu’il ne serait pas remis en cause là où les équipes le trouvent satisfaisant... mais les hiérarchies locales s’activent pour que la promesse d’avoir partout des CP à douze dès la rentrée en REP+ soit réalisée.
Pour cela, les responsables départementaux ont trois possibilités : soit ils récupèrent des postes qui étaient déjà budgétés pour la rentrée pour étendre le « Plus de maîtres... » au-delà des 3 220 emplois actuels ; soit ils piochent dans les réserves des brigades de remplacement qui avaient été reconstituées les années précédentes ; soit ils annoncent aux maîtres supplémentaires que leur expérience est terminée et qu’ils vont être réaffectés à la rentrée sur un poste ordinaire en classe à douze. Certains responsables l’évitent, mais c’est ce qui se produit dans de nombreux endroits, et surtout en REP+, là où les enseignants concernés étaient les plus engagés et où la nécessité d’un travail collectif est la plus forte.
Résultat : beaucoup de rancœur et de premiers mots d’ordre de grève. Un séminaire sur le primaire a réuni à Poitiers le 22 juin des centaines de cadres sans qu’aucun défenseur du « Plus de maîtres... » n’y soit invité à défendre son point de vue. Ce détricotage-là pourrait s’avérer plus tendu. L. C.
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