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La Lettre

Politique éducative

L’égalitarisme aggrave l’échec scolaire, dénonce la Cour des comptes

Parce que le système scolaire français n’offre pas d’aide ciblée aux élèves les plus en difficulté, il aggrave les inégalités sociales, estime la Cour des comptes. Une réforme globale s’impose si la France veut atteindre l’objectif de 50 % d’une génération au niveau de la licence.

Il faut en finir avec l’égalitarisme républicain qui voit l’école dispenser les mêmes cours à tous si l’on veut enfin atteindre l’objectif de la réussite de tous les élèves, préconise la Cour des comptes dans un rapport de 200 pages rendu public mercredi 12 mai. A l’issue de deux années d’auditions et d’enquêtes de terrain dans 60 établissements répartis sur six académies, ainsi que dans trois pays (Ecosse, Espagne et Suisse), la Cour dresse un constat très sévère du système scolaire français. Si ce pays a réussi la massification de son éducation, il échoue encore sur sa démocratisation, notamment parce que la politique éducative est décidée par le ministère, sans évaluation des besoins réels du terrain et des élèves les plus en difficulté. La Cour des comptes plaide en fait pour un changement radical de la politique éducative menée par le ministère : « Il est désormais impératif de remplacer la logique de l’offre scolaire par une logique fondée sur la demande, c’est-à-dire sur une connaissance nettement plus précise des besoins des élèves », insiste le rapport.
En conclusion, le rapport de la Cour énumère treize propositions réparties en quatre grands chapitres. Il pointe un hiatus important entre les coûts et les performances de notre école : « La France est le pays de l’OCDE où le retard scolaire à 15 ans est le plus important (...), un de ceux où les écarts de résultats entre élèves se sont le plus accrus [et] où l’impact de l’origine sociale sur les résultats des élèves est le plus élevé », souligne le rapport. Si elle continue de la sorte, elle ne pourra jamais atteindre l’objectif de 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence. Pour lutter contre l’échec scolaire, le rapport propose « d’accroître le financement du traitement de la difficulté scolaire à l’école primaire », où germe déjà l’échec, et de « mettre fin à une allocation des moyens uniforme ». « Entre un lycée qui a 100 % de réussite au bac et un autre qui n’a que 40 % de réussite, il n’y a que 10 % d’écart dans les moyens horaires alloués », dénonce la Cour. Prétendument au centre du système, l’élève est en fait « le dernier servi », relève la Cour. A commencer par le temps et les rythmes scolaires, qui ne lui sont absolument pas adaptés.

Le ministère sur la défensive
Les redoublements sont aussi visés : coûteux et inefficaces, ils devraient être revus à la baisse, et les économies ainsi faites allouées « au financement d’actions d’accompagnement personnalisé ». La composition des classes (souvent non hétérogènes), l’orientation (faite sur la base de l’échec), la suppression de la carte scolaire (qui accroît la ghettoïsation des établissements les plus difficiles, quittés par leurs meilleurs éléments), l’affectation des enseignants (en fonction de leur âge plus que de leur expérience) sont aussi dans le collimateur de la Cour. Elle préconise « que ce soient les équipes pédagogiques qui déterminent les modalités de répartition des moyens d’enseignement et d’accompagnement personnalisé ». Une mesure qui reviendrait à destituer le ministère. Dans sa réponse à la Cour des comptes, la Rue de Grenelle a estimé que le rapport ne pouvait pas prendre en compte les effets des réformes en cours, qui ne seront visibles qu’en 2023.