Un forum à la Sorbonne, avec discours ministériel, tables rondes et participation d’éminents spécialistes, n’est pas une solution magique de nature à faire disparaître les polémiques et à rapprocher les points de vue. Mais il n’est pas non plus sans effet de déminage.
L’histoire et son enseignement : une « passion française ». Un sujet qui peut se présenter soit comme une foire d’empoigne où toutes les outrances sont permises, soit comme une digne controverse où savants, praticiens et responsables publics recherchent des solutions applicables, adaptées à la réalité des classes, des élèves et d’un temps scolaire compté. La foire d’empoigne ne disparaîtra pas comme par enchantement. Mais le 3 juin à la Sorbonne, le forum organisé par le Conseil supérieur des programmes (CSP) a montré que des échanges posés étaient possibles. Si le but était de « déminer » le débat, il est en partie atteint. Comme prévu, de vifs échanges se sont produits sur les thèmes à la source des polémiques, à commencer par la distinction entre une histoire enseignée dans la perspective d’un « roman national » et une histoire plus froidement « scientifique ». Cette opposition-là, souvent surjouée, était déjà en partie émoussée par le feu vert donné d’avance par le CSP au mot « récit », compris en opposition au « roman » donc à toute fiction ou propagande. A ce propos, la ministre de l’éducation nationale a affirmé dans son discours d’ouverture ne pas vouloir « d’un roman écrit par le pouvoir en place, substituant à l’examen des sources, à leur critique minutieuse, la plume débridée de l’imagination politique ». « Une fois le pas franchi, a-t-elle ajouté, chaque alternance voudrait son histoire à elle, élever et abaisser qui elle voudrait. » Pour l’historien Pierre Nora, qui s’était montré sévère sur les projets de programmes, ces derniers « ne méritent ni cet excès d’honneur ni cette indignité », car ils sont « dans la lignée de ce qui s’était fait en 2008 et même avant ». Comme pour tirer la leçon des polémiques et accepter leur part d’inévitable, le président du CSP, le géographe Michel Lussault, a souligné que « l’histoire ne peut être une discipline sous cloche, se déliant de ce que la société projette d’elle-même dans ces débats ». Dans les « tables rondes », la question des « sujets sensibles » a bien sûr été abordée et avec elle celle de la concurrence victimaire et de la « repentance », thème volontiers instrumentalisé par certains politiques ou polémistes. Les deux options les plus éloignées à ce sujet sont restées celles d’historiens. « Il y a tant de victimes que l’on va être en peine de trouver des bourreaux », a ironisé Patrice Gueniffey, directeur de recherches à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), jugeant toutefois que la réforme « ne bouleverse pas la manière dont est enseignée l’histoire en France » mais « aggrave un système déjà en vigueur ». A l’inverse, pour Laurence De Cock, professeur d’histoire et membre du collectif Aggiornamento, il faut au contraire enseigner qu’« il y a eu des peuples qui en ont dominé d’autres ». Et maintenant ? Les textes vont être amendés en fonction des critiques et de la consultation des professeurs qui doit se poursuivre jusqu’à la mi-juin. Le CSP envisage d’aménager ou de supprimer le distinguo entre les éléments présentés comme obligatoires ou facultatifs, qui avaient nourri les inquiétudes d’une partie des enseignants sur de possibles écarts d’un établissement à l’autre. De même, il pourrait décider, pour dissiper tout malentendu, de faire étudier l’islam dès la 6e, en même temps que les débuts du christianisme et du judaïsme. Et une fois qu’il aura réglé la question de l’histoire, le CSP pourra s’occuper des autres polémiques qui couvent sur d’autres matières...
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