Bruno Sire est président de l’université Toulouse-I-Capitole.
Vous étiez partisan de la LRU. Quel bilan en faites-vous, un peu plus d’un an après être passé à l’autonomie ?
Nous avons opté pour l’autonomie parmi les premiers et sommes l’une des trois universités à avoir acquis l’autonomie sur notre patrimoine. Je suis un partisan de la décentralisation et je considère que les universités ont les moyens et les compétences pour prendre en main leur destin. La LRU nous donne cette capacité tout en restant dans le cadre d’une politique nationale. Je vois des aspects positifs sur au moins deux plans. Premièrement, la gestion des ressources humaines. La LRU nous permet de faire des choses qu’avant nous ne pouvions pas faire sans demander la permission. L’assouplissement des règles et des procédures nous donne un gain incontestable de temps par rapport aux recrutements que l’on veut faire. Autre avantage : l’immobilier. Grâce à l’engagement de 25 ans de l’Etat, j’ai une visibilité pour avoir une vraie stratégie de mon parc immobilier. Concrètement, il y a deux décisions que nous n’aurions pas pu prendre : d’abord l’implantation de l’école des avocats sur notre campus. L’université va leur rétrocéder un terrain avec un loyer très modeste. Ils ont négocié en direct avec moi. C’est beaucoup rapide que s’ils avaient dû le faire avec l’Etat. Deuxième exemple : l’achat de bâtiments contigus à notre campus et appartenant à EDF. Nous venons d’acheter 2 500 m2 pour y implanter l’IEP de Toulouse.
Néanmoins, tout n’est pas rose. Voyez-vous des points à améliorer ?
Les questions de gouvernance peuvent être sans doute améliorées. On peut réfléchir sur les modes de composition des conseils. Et, évidemment, il faudra aussi améliorer le financement des universités. Le système est encore trop monolithique.
Pensez-vous, par exemple, qu’il faudrait augmenter les droits d’inscription ?
C’est un sujet compliqué. Le modèle français est un vrai modèle. Il ne faut pas nécessairement vouloir le changer. Le financement par l’Etat, par l’impôt, assure la gratuité d’un certain nombre de services publics et l’enseignement en fait partie. Une fois que l’on a dit cela, quel effort demande-t-on aux familles qui bénéficient de ce service public par rapport à celles qui payent sans en bénéficier ? C’est là qu’il y a peut-être une réflexion à mener. Dans mon université, nous touchons 4 100 euros par étudiant. C’est peu, surtout si l’on doit se battre avec des universités comme celles de Barcelone, Madrid ou Milan.
Louis Vogel, président de la CPU, a lancé une piste : des droits très bas jusqu’en licence puis beaucoup plus élevés en master et en doctorat. Qu’en pensez-vous ?
C’est une très bonne piste de réflexion et c’est un débat dont les hommes politiques doivent se saisir. On peut en effet envisager une quasi-gratuité jusqu’au niveau licence. Puis des droits plus élevés en master parce que c’est un diplôme professionnalisant. On peut imaginer des prêts à taux zéro, des remboursements différés une fois que l’étudiant aura trouvé un travail... En revanche, pour le doctorat, il faudrait qu’il reste accessible. Ce débat devra sans doute être abordé avec sérénité, en dehors des périodes électorales.
L’université souffre de ne pas être très séduisante pour les très bons lycéens. Comment peut-on leur donner envie d’y aller ?
Cette question me touche particulièrement. Nous avons créé, au XIXe siècle, un système trop sélectif où l’on sélectionne les jeunes dès la classe de 1re sur leurs bulletins scolaires avec pour seul objectif de les amener dans un système très stressant : celui des classes préparatoires aux grandes écoles. Il faut dire aux jeunes : « Allez vous abreuver à la source ! » Il faut qu’ils comprennent que la construction des savoirs se fait à l’université, qu’ils y trouveront un enseignement dans bien des cas de meilleure qualité que ce qu’ils vont trouver dans les grandes écoles. L’enseignement y est donné, en effet, par des enseignants-chercheurs, contrairement aux grandes écoles. A l’université, l’orientation ne se fait pas dans le stress. Je suis persuadé que l’épanouissement des jeunes y est beaucoup plus grand que dans le système de classes prépa, où l’on se bourre de connaissances pendant deux ans pour jouer son avenir sur quelques jours de concours. C’est un système dépassé qui n’est plus adapté à notre monde moderne.
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