Danièle Cogis a été maître de conférences en sciences du langage à l’IUFM de Paris (université Paris-Sorbonne).
Le ministère de l’éducation nationale publie une circulaire pour faire évoluer l’enseignement de l’orthographe à l’école primaire. Il s’appuie sur une étude de la DEPP de 2007 montrant que le niveau des élèves en orthographe baisse depuis vingt ans. Votre enquête, réalisée en 2005 avec Danièle Manesse, confirme-t-elle ces données ?
Nous sommes arrivées au même constat. Pour ce faire, nous avons comparé les résultats d’élèves de CM2 et de collège à une même dictée proposée en 1987 et en 2005. Il en est ressorti que l’écart entre les résultats est en moyenne de deux niveaux scolaires. Autrement dit, les élèves de 5e en 2005 faisaient le même nombre d’erreurs que les élèves de CM2 il y a vingt ans. L’accroissement du nombre d’erreurs est particulièrement prononcé pour ce qui est de l’orthographe grammaticale.
« A qui la faute ? », pour reprendre le titre de votre ouvrage (ESF éditeur).
La société a considérablement changé et accorde moins d’importance à l’orthographe. A l’école, l’orthographe était la priorité jusqu’aux années 1960. Progressivement, le temps destiné à l’étude de la langue a diminué : il a été divisé par deux entre 1923 et 2007. Parallèlement, les missions de l’école se sont multipliées. En revanche, ce qui n’a pas changé, c’est la complexité de notre système orthographique. Son apprentissage nécessite qu’on y consacre beaucoup de temps.
Les orientations prises par le ministère vous semblent-elles bonnes ?
C’est une bonne chose de rappeler l’importance de l’enjeu et de mettre l’accent sur un apprentissage explicite, régulier, spécifique et progressif de l’orthographe. Malheureusement, le ministère se contente de donner quelques grands principes, sans en expliciter tous les aspects, ni dire aux enseignants quel horaire ils doivent diminuer pour augmenter celui consacré à l’orthographe. On peut se demander si cette circulaire suffira à faire évoluer les pratiques. Si les enseignants ne savent pas précisément à quoi renvoient ces principes, en l’absence d’une réelle formation, ils risquent de ne retenir que ce qu’ils font déjà. Par exemple, les dictées préparées.
L’exercice de la dictée, préconisé dans la circulaire, n’a-t-il pas fait ses preuves ?
Absolument pas. La dictée était peut-être efficace quand elle était proposée quotidiennement, surtout pour la moitié des élèves qu’on présentait au certificat d’études. Mais depuis longtemps, la dictée comme moyen d’apprentissage est remise en cause. En 1971, un inspecteur général, Marcel Rouchette, estimait déjà que cet exercice avait tendance à mettre les élèves en situation d’échec. La circulaire du ministère fait l’impasse sur les résultats de la recherche depuis vingt ans, à savoir la logique de l’erreur chez l’élève : le fait que les erreurs ne viennent pas d’un manque de connaissance des règles, mais d’une compréhension enfantine de ces règles. Par exemple, un élève écrira « l’équipes a remporté l’épreuve », estimant que dans une équipe, il y a plusieurs personnes. Il connaît la règle du pluriel, mais comprend l’orthographe à sa manière. Inséparable d’un barème, la dictée est centrée sur la faute. Lors de la correction, l’enseignant rappelle les règles sans avoir recherché les représentations, le raisonnement des élèves. Au final, on retrouve dans la circulaire cette conception de l’enseignement selon laquelle un maître expose son savoir et les élèves sont censés le comprendre immédiatement à l’identique.
Vous êtes aussi l’auteur, avec Catherine Brissaud, de Comment enseigner l’orthographe aujourd’hui ? (Hatier, 2011). Quels sont les principes de cette didactique ?
Enseigner l’orthographe, c’est transmettre des connaissances, tout en apprenant aux élèves à les mobiliser dans leurs écrits. Nous évoquons aussi d’autres principes, comme celui de la progression et de l’évaluation positive, qui rend visibles les progrès.
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