Jean-Loup Salzmann est le président de la Conférence des présidents d’université (CPU).
Les discussions à l’Assemblée nationale sur le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche ont débuté le 22 mai pour un vote solennel le 28 mai. Que pensez-vous de ce texte ?
Il est assez multiforme et ceux qui s’attendaient à un « An II » de l’enseignement supérieur et de la recherche seront probablement déçus. Mais je constate que de nombreux points de blocage ont été levés sur la démocratie et la collégialité dans les instances universitaires, sur les regroupements d’universités, sur l’accueil des bacheliers de la voie technologique dans les IUT et des bacheliers professionnels dans les STS, sur les conventions entre classes préparatoires et universités. Le grand point noir demeure l’absence d’engagement sur les moyens, dans un contexte budgétaire très tendu. Le fait qu’il n’y ait pas de sécurisation de nos masses salariales et de nos budgets met nos établissements dans une situation de plus en plus compliquée. En outre, il est difficile d’envisager de réformer sans moyens...
Le projet de loi propose que les IUT accueillent plus de bacheliers technologiques, et les STS plus de bacheliers professionnels. Etes-vous favorable à cette orientation ?
Le gouvernement a raison de pousser à l’accueil des bacheliers technologiques dans les IUT ou des bacheliers professionnels dans les STS, qui offrent un cadre pédagogique plus adapté. Le ministère précédent avait débloqué des fonds mis à la disposition des IUT pour accroître le nombre de ces étudiants. Cela a été un effet d’aubaine sans grand changement. Aujourd’hui, le gouvernement prend la main. Pour nous, peu importent les modalités - quotas, pourcentages, places réservées... L’important est de faire réussir ces étudiants !
Vous vous inquiétiez récemment de la création d’un « conseil académique » aux côtés du conseil d’administration, qui, selon vous, constituerait un contre-pouvoir et rendrait les universités ingouvernables. Vos craintes sont-elles apaisées ?
Ce conseil académique, qui englobera le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire [CEVU], retrouvera les compétences dévolues à ces instances avant la loi LRU de 2007. Par exemple, les affectations et les carrières des enseignants-chercheurs, ainsi que le contenu des formations et des examens. Le risque est grand d’avoir un conflit de légitimité entre deux structures démocratiques dominées par des universitaires élus. On ne peut pas imaginer une institution universitaire sans une gouvernance unique, claire et légitime. Le débat parlementaire devra trancher.
Le texte prévoit des communautés d’universités et d’établissements, liées par un contrat de site de cinq ans avec l’Etat. Ces regroupements ne seront-ils pas source de lourdeur ?
Cela ne rajoute pas un niveau, car il existait au préalable avec les PRES [pôles de recherche et d’enseignement supérieur]. Nous avons beaucoup bataillé pour que la loi soit souple sur les modes de regroupement et sur les compétences que les acteurs veulent mettre en commun, car cela ne marchera que si les projets sont bien portés par les acteurs locaux et que ceux-ci sont volontaires. Ces regroupements exigeront plus de temps qu’une législature pour entrer dans les mœurs. Quant aux contrats de site, là aussi ce sont les volontés locales qui les feront vivre. Ce qui est important pour l’autonomie des universités, c’est que nous avons obtenu de conserver le contrat d’établissement - qui représentera un volet du contrat de site -, et qu’il n’y aura pas de transfert obligatoire de compétences. Cette loi met des outils à la disposition des universités. A nous de nous en saisir !
Redoutez-vous une régionalisation de l’enseignement supérieur ?
Je reconnais qu’il existe une certaine méfiance de part et d’autre. Nous sommes attachés à la valeur nationale des diplômes, au statut national des fonctionnaires, des enseignants-chercheurs comme du personnel administratif. Les élus locaux n’ont pas vocation à décider de la politique de formation ou de la stratégie de nos universités, d’où la difficulté à imaginer un contrat tripartite « Etat-région-université », un temps envisagé lors des Assises de l’enseignement supérieur.
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