Luc Chatel est ministre de l’éducation nationale.
Vous accordez aux lycées une autonomie pour mettre en place votre réforme. Concrètement, que pourront-ils faire ?
L’autonomie est le seul moyen d’adapter le système scolaire aux problématiques de chaque lycée et de chaque élève. Dans la réforme, sur les 28 heures 30 qui seront dispensées aux élèves en seconde, 10 heures 30 se feront par demi-groupes. Aujourd’hui, la répartition de ces 10 heures 30 est fixée par le ministère. J’ai décidé que ce temps sera globalisé. Chaque établissement pourra donc décider de quelle manière seront affectés ces dédoublements. Cela correspond à 30 % de marge d’autonomie sur les dotations horaires. Pour les deux heures d’accompagnement personnalisé, créées de la 2de à la terminale, la grande nouveauté de la réforme, le cadrage est décidé au niveau national : elles sont incluses dans l’emploi du temps et prises sur le français, l’histoire-géographie, la physique et les SVT. Mais l’établissement sera autonome pour en organiser le contenu (méthode de travail, aide personnalisée, perfectionnement, etc.). De même, l’organisation des stages passerelles ou de remise à niveau sera décidée au niveau local. Au conseil pédagogique de faire des propositions.
Mais la moitié seulement des établissements sont dotés d’un conseil pédagogique...
C’est vrai. Aujourd’hui, le conseil pédagogique est obligatoire, mais pas effectif. Nous allons donc rédiger un décret pour y remédier.
En matière d’autonomie, sur quels autres leviers allez-vous agir ?
Pour le recrutement des enseignants, j’y travaille, mais ce n’est pas acté. J’ai déjà évoqué l’idée de recruter des professeurs sur postes à profil dans les collèges « ambition-réussite ». Il faut en effet pour ces établissements une forte adhésion des enseignants au projet pédagogique, mais aussi des incitations financières qui font l’objet de discussions actuellement avec les syndicats.
A propos de l’éducation prioritaire, la Cour des comptes a montré que l’assouplissement de la carte scolaire a renforcé la ghettoïsation de nombreux collèges. Pourquoi vouloir sa disparition totale malgré tout ?
C’est le système actuel qui a abouti à la ghettoïsation. Si on permet à ces établissements de porter de beaux projets, ils peuvent redevenir attractifs. Mais il faut s’en donner les moyens. D’où le recrutement sur postes à profil, la nécessité d’expérimentations et le maintien des dotations horaires. Le rapport de la Cour des comptes, je ne le conteste pas, mais j’ai besoin d’en savoir davantage. J’attends une étude du ministère sur l’impact des deux ans d’assouplissement de la carte scolaire. Je sais déjà qu’il y a 11 % de dérogations en plus depuis 2007, et que le taux de satisfaction est de 69 %. Une fois cette étude réalisée, il faudra réfléchir à l’étape suivante, car l’objectif c’est d’aller plus loin à la rentrée prochaine. S’il y a des effets pervers, nous les corrigerons. C’est bien pour cela que nous avons choisi la progressivité.
Vous prônez une nouvelle politique de ressources humaines. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela fait partie du nouveau « Pacte de carrière » que j’ai proposé. Les professeurs ne sont pas assez payés en début de carrière. Nous proposons qu’ils touchent en plus 135 euros par mois la première année - c’est un ordre de grandeur. L’augmentation sera répercutée sur les grilles indiciaires. Les enseignants auront des missions nouvelles rémunérées, comme les stages passerelles.196 millions d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances 2010 pour la revalorisation, ce n’est pas rien ! D’ici à fin janvier, il faut que la question de la revalorisation des enseignants soit bouclée, pour une application à la rentrée 2010. Par ailleurs, les personnels ne sont pas suffisamment accompagnés. J’ai recruté la directrice des ressources humaines de la RATP pour impulser une nouvelle politique en la matière. Concrètement, cela passe par la mise en place d’un droit individuel à la formation (DIF), qui n’existe pas ici, et de passerelles à tous niveaux dans la fonction publique, qu’il s’agisse de passer du corps des professeurs des écoles à celui des certifiés, et inversement, ou de la fonction publique d’Etat aux collectivités territoriales. Cela passe également par la remise à plat de l’évaluation des enseignants et l’amélioration de la médecine du travail. Dans ce dernier domaine, on n’est vraiment pas bons !
L’exemple de France Télécom ne montre-t-il pas que l’application des règles du privé au public n’est pas toujours pertinente ?
Le drame, c’est le système actuel. Il n’y a jamais d’orientation de carrière, l’évaluation ne favorise pas l’engagement... ça ne pourrait pas être pire. Les premières victimes, ce sont les enseignants. Il s’agit de mettre en place des outils modernes qui consistent à prendre en compte la dimension humaine. Très souvent, comme sur l’évaluation, les syndicats sont demandeurs.
Allez-vous toucher au temps de service ?
C’est très compliqué. Cela nécessite une large concertation. Cette maison a besoin de gestes quotidiens de modernisation, pas de grand soir.
Les cadres de l’éducation seront-ils concernés par la revalorisation ?
Oui, une négociation avec les organisations syndicales des chefs d’établissement et des inspecteurs d’académie est en cours. Elle entraînera une revalorisation financière, mais abordera aussi les questions de responsabilités et d’engagement.
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