Philippe Joutard est un ancien recteur. Il a présidé le groupe d’experts pour les programmes de l’école primaire de 2002.
Le Conseil supérieur des programmes (CSP) devrait être installé le 10 octobre. Il sera chargé, dans un premier temps, de revoir les programmes du primaire de 2008. La renaissance de cette instance, qui a été supprimée en 2005, est-elle une bonne nouvelle ?
J’ai bien connu l’ancien Conseil national des programmes puisque, lors de la conception des programmes de 2002, notre groupe d’experts était en contact permanent avec lui. La recréation de cette instance est une bonne chose. D’abord, parce qu’elle apportera un regard pluraliste sur les programmes. [Le conseil sera composé de trois députés, trois sénateurs, deux membres du Conseil économique, social et environnemental et dix personnalités nommées par le ministre de l’éducation nationale.] Un regard global également, sur la continuité du primaire et du collège, sur l’adéquation des programmes avec le socle commun. Elle apportera enfin de la transparence au processus opaque d’élaboration des programmes, parce qu’on saura qui sont les concepteurs et qu’il y aura des allers-retours avec la communauté éducative.
Par quoi les programmes de 2002 étaient-ils caractérisés ?
Ils étaient marqués par un décloisonnement des disciplines. L’idée étant qu’on n’apprend pas le français qu’en cours de français ou les mathématiques qu’en cours de mathématiques. En histoire, les élèves font des lectures, écrivent des récits ; en sciences, ils s’exercent à l’écriture à travers la réalisation d’un carnet d’expériences... Les programmes de 2002 permettaient aussi de répondre à une question que ceux de 2008 n’ont pas résolue : comment dépasser la contradiction entre le fondamental et le non-fondamental ? Comment garantir la maîtrise du français et des mathématiques tout en introduisant des connaissances nouvelles, telles que les langues étrangères ou le numérique ? La réponse est dans ce décloisonnement des disciplines. Partant du principe que c’est par la pratique quotidienne de la lecture et de l’écriture qu’on apprend à lire et à écrire, par la résolution de problèmes qu’on apprend les mathématiques, ils faisaient appel à la créativité des élèves. Enfin, ils mettaient l’accent sur le vivre-ensemble, à travers les « débats réglés », au cours desquels les élèves apprenaient à s’écouter, à respecter des points de vue différents.
Pourquoi les programmes de 2008 font-ils l’objet de nombreuses critiques ?
Leur premier défaut est de ne pas reposer sur un bilan des programmes de 2002. Ils ont été introduits au moment où ceux de 2002 ont été appliqués dans leur totalité. Cela est symptomatique du politique, qui veut marquer son empreinte et se situe dans un temps court, alors que l’éducation nationale est dans le temps long. L’autre reproche qui leur est fait est d’être revenus en arrière en recloisonnant les disciplines. Cela est inadapté au XXIe siècle. Ils sont par ailleurs critiqués pour leur surcharge - les heures consacrées au français et aux maths ont été accrues sans allègement dans les autres domaines -, et pour leur aspect trop mécanique, avec une multiplication d’exercices pour apprendre les règles de grammaire, le vocabulaire, la syntaxe... Or, cette méthode ne sert pas à grand-chose si on ne lit et n’écrit pas quotidiennement.
Le concept de programme ne serait-il pas dépassé, du fait de l’existence d’un socle commun de connaissances et de compétences ?
Les programmes sont sacralisés. Leur suppression entraînerait un séisme, car on considérerait que l’unité de l’école est remise en cause. On peut toutefois les faire évoluer. Il faudrait les penser non pas comme une fin, mais comme un moyen de réaliser le socle de connaissances ou de culture communes. Il faudrait aussi qu’ils soient plus souples, avec des possibilités d’ajustement selon les publics. J’imagine des grandes têtes de chapitre, avec des fourchettes horaires et des documents d’accompagnement pour les enseignants - un peu à l’image des « curriculum », tels qu’ils existent chez nos voisins. Ce type de programmes permettrait aux enseignants de pratiquer pleinement une pédagogie différenciée, à condition qu’ils bénéficient d’une formation continue. Car c’est une naïveté française de penser que les programmes font tout : il faut prendre en compte ce que les enseignants en font et ce que les élèves en reçoivent !
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