La cause de l’enseignement privé hors contrat, refuge des catholiques les plus traditionalistes ou de diverses aventures pédagogiques, est longtemps restée marginale. Aujourd’hui, sous la bannière du pluralisme scolaire, elle gagne à la fois des sympathies et des soutiens.
En éducation, les idées n’existent pas si elles ne s’incarnent pas dans des expériences, des dispositifs, des pratiques. Si les défenseurs de l’institution éducative publique veulent comprendre ce qui se joue sur le terrain des idées en matière d’éducation, ils devraient s’intéresser au colloque prévu le 4 avril à Paris, dans des locaux de l’Assemblée nationale.
Le titre est passe-partout : « Contre l’échec scolaire dans les banlieues, des solutions issues du terrain ». La démarche qui sous-tend la Fondation Espérance Banlieues, organisatrice de cette manifestation, l’est moins. Rien de plus facile que d’en faire une présentation manichéenne : il ne serait pas faux d’écrire, par exemple, que les « solutions » que ses animateurs ont en tête se situent plus du côté des écoles privées hors contrat, dont certaines seront citées en exemple au cours du colloque, que dans un perfectionnement des réseaux d’éducation prioritaire. On pourrait également, et toujours sans offense ni calomnie, relever qu’un bon nombre - ce qui ne veut pas dire tous - des acteurs de cette mouvance ont une culture militante plutôt « manif pour tous ».
Mais, outre que ce serait une façon bien illusoire de vouloir s’en débarrasser par simple étiquetage, ce serait surtout passer à côté de plusieurs aspects déterminants de cette initiative : la finesse ou - comme on voudra - l’habileté des arguments utilisés par ces nouveaux promoteurs de la « liberté scolaire », la manière dont ils font, pas à pas, progresser leur cause depuis une douzaine d’années, et les succès qu’ils obtiennent. Des succès qui se traduisent par une sortie de la marginalité, dont ce colloque est une illustration. Espérance Banlieues, créée en 2012, est l’une des huit fondations aujourd’hui abritées par la Fondation pour l’école, la « maison mère », dont le but est de « contribuer à l’amélioration du système éducatif français dans son ensemble en le stimulant par le développement d’un secteur éducatif libre ».
Cette fondation a été lancée en 2008 par la talentueuse Anne Coffinier, énarque et normalienne, dont le profil personnel rend impossible sa caricature en réactionnaire acariâtre. La Fondation pour l’école, qui ne se veut surtout pas une fédération mais une « structure d’appui aux écoles libres », a été dès sa création reconnue d’utilité publique par un décret du premier ministre. Le leitmotiv de son argumentaire est la promotion du « pluralisme pédagogique » contre le statut « monopolistique » du service public. Un pluralisme qui ne serait pas non plus porté par l’enseignement privé sous contrat, perçu comme corseté par son association avec l’Etat. Le développement du hors-contrat « n’est pas une fin en soi », explique Anne Coffinier, mais « le meilleur moyen de stimuler la réforme du système éducatif dans son ensemble, car l’Education nationale a montré son incapacité à le faire par elle-même ».
Ce langage a réussi à s’attirer des sympathies largement au-delà de sa base d’origine, qui était l’enseignement catholique le plus strict. Le colloque du 4 avril en apporte la preuve par la diversité de ses intervenants : aussi bien Natacha Polony, célèbre contemptrice du « pédagogisme », que Peter Gumbel, auteur du livre Ces écoles pas comme les autres (Vuibert, 2015) et défenseur plutôt anti-autoritaire des « dissidents de l’éducation », écoles Freinet comprises. Mais aussi Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, Andreas Schleicher, de l’OCDE, l’ancien ministre Jean-Louis Borloo, l’écrivain Alexandre Jardin... C’est ce qu’on appelle être reconnu.
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