Bernard Toulemonde est inspecteur général honoraire de l’éducation nationale et ancien recteur.
Dans Le Système éducatif en France (La Documentation française, 2009), que vous avez dirigé, vous affirmez que « l’autonomie des établissements est limitée ». Pourquoi ?
On observe une tentation centralisatrice constante dans l’éducation nationale, tant au niveau national que local. L’administration, qui veut tout régenter, revient volontiers sur les marges de liberté accordées aux établissements. Par exemple, les dotations horaires globales (DHG) n’ont de « global » que le nom. Les travaux personnels encadrés (TPE), qui constituaient une plage importante d’autonomie, ont été rognés de moitié à la première occasion. Les sources de cet insuccès sont aussi sociologiques : pour la communauté éducative, l’autonomie, c’est un peu « je t’aime, moi non plus » ! Il est souvent plus confortable de renvoyer les décisions au niveau supérieur, quitte à les critiquer, que d’en assumer la responsabilité. Un chef d’établissement va préférer laisser les inspecteurs d’académie décider du maintien ou non d’une option, plutôt que s’attirer les foudres des professeurs. La réforme du lycée va engendrer des discussions extrêmement délicates au sein des établissements...
Qu’apporte la réforme du lycée en matière d’autonomie ?
Dans le cadre de la rénovation de la voie professionnelle, la marge d’autonomie laissée aux lycées professionnels est considérable : ceux-ci peuvent désormais répartir les enseignements et les horaires au cours des trois années du bac pro. Dans la filière générale, les lycées seront autonomes dans l’utilisation des dotations horaires affectées aux travaux en petits groupes. Sur 28 h 30 en 2de, 10 h 30 devront être réparties entre les dédoublements et l’accompagnement personnalisé. Les équipes pédagogiques vont devoir répondre à toute une série de questions : à partir de quels effectifs les classes seront-elles dédoublées ? Sur quelles matières faut-il mettre l’accent ? Quels sont les objectifs prioritaires de l’établissement ? Les décisions seront prises collectivement. C’est une petite révolution dans l’éducation nationale !
Les personnels sont-ils prêts à l’accepter ?
Les chefs d’établissement et les inspecteurs y sont globalement favorables. Du côté des enseignants, les avis sont plus mitigés. Le SNES (FSU) y est hostile. Sa conception, libérale et individualiste, selon laquelle chaque enseignant dispose d’une liberté pédagogique dans le cadre des règles nationales, est dans la tête de beaucoup d’enseignants. Mais les élèves ont changé, les établissements sont différents les uns des autres selon leur implantation géographique. La fonction d’enseignant s’inscrit dans un travail collectif, dans le cadre des objectifs et du projet d’établissement. Les plus conservateurs ont du mal à l’accepter. Or, ce changement est inéluctable.
Le SNES (FSU) a-t-il raison de craindre un « accroissement des pouvoirs du chef d’établissement » ?
En France, le chef d’établissement n’est qu’un chef d’orchestre. Il n’a aucun pouvoir, par exemple, en matière de gestion des carrières. Heureusement, chefs d’établissement et inspecteurs pédagogiques travaillent de plus en plus de concert. On sait bien que noter une heure de classe n’a pas vraiment de sens. Il est important que le chef d’établissement informe les inspecteurs des qualités de ses enseignants, de leur implication dans les activités collectives et dans le projet d’établissement. Par ailleurs, la réforme du lycée généralise le conseil pédagogique. C’est un lieu de discussion collective sur des questions d’ordre pédagogique qui donne plus de pouvoir aux enseignants.
L’accompagnement personnalisé est-il aussi révolutionnaire ?
Ce qui est nouveau, c’est la généralisation de l’accompagnement personnalisé de la 2de à la terminale. Car le dispositif existait déjà : la réforme du lycée de 1998 introduit une « aide individualisée » en 2de, en français et en mathématiques. Mais les résultats de cette expérience sont mitigés. Les enseignants sont mal préparés au soutien. Dans la tradition, être un bon professeur, c’est maîtriser sa discipline et savoir faire cours. Pas maîtriser la gestion différenciée des élèves. L’accompagnement personnalisé ne pourra s’inscrire dans les faits que si les enseignants y sont formés.
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