Eric Debarbieux est sociologue, directeur de l’Observatoire international de la violence scolaire.
Le ministère de l’éducation nationale doit lancer, le 24 janvier, une campagne contre le harcèlement scolaire. Faut-il en conclure que nous ne sommes pas suffisamment mobilisés, et armés, face au phénomène ?
Les chiffres que nous avons publiés en 2011 sur la prévention du harcèlement à l’école (voir La Lettre n°699) ont fait choc : à l’école primaire, un élève sur dix est victime de harcèlement, dont la moitié de harcèlement sévère. Ce n’est pas la première fois que le sujet est évoqué en France, mais le fait d’enquêter sur un panel de 12 000 élèves, dont la représentativité a été assurée par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, a donné à ce rapport un retentissement particulier. Le caractère transsocial du phénomène a également marqué les esprits : le harcèlement n’épargne pas les établissements chics. Reste que le constat intervient beaucoup plus tardivement en France que dans d’autres pays, comme en Europe du Nord, où les recherches ont débuté dans les années 1970, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis...
Pourquoi ce retard français ?
La majorité des pays s’est emparée du problème de la violence scolaire par le harcèlement, appelé « school bullying », et plutôt dans une perspective de santé mentale. En revanche, en France, on a longtemps pensé la violence à l’école comme quelque chose d’intrusif - le fait d’éléments, d’élèves extérieurs. On sous-estimait les petites violences quotidiennes, souvent tues, sans doute par honte. Aujourd’hui, on prend conscience du phénomène et de ses conséquences psychologiques et scolaires pour les victimes - absentéisme, décrochage, échec. Des conséquences, aussi, pour les « harceleurs » : en Grande-Bretagne, une enquête a montré qu’ils sont plus que d’autres, à l’âge adulte, sujets au chômage et peuvent être les auteurs de maltraitances en famille.
Quelles sont les causes de ce harcèlement ?
Il n’y a pas de cause unique. Les recherches montrent que c’est plutôt une corrélation d’éléments liés entre eux : facteurs familiaux et sociaux, facteurs scolaires aussi. La stabilité des équipes pédagogiques est, par exemple, un élément de protection. Dresser une typologie des agresseurs ou des agressés est un leurre. Mais un mécanisme commun joue : le refus de la différence, celle d’un enfant un peu plus gros, trop bon élève...
L’enquête publiée récemment sur la Seine-Saint-Denis modifie-t-elle les perspectives ?
Elle porte sur les enseignants et résout une énigme : les facteurs sociaux, ceux liés à l’exclusion sociale, sont beaucoup moins opérants entre élèves que ce que l’on pensait, mais ils tiennent un rôle important dans les agressions contre les adultes. En même temps, et c’est une surprise, 18% des enseignants interrogés se plaignent d’avoir été ostracisés par leurs collègues. 21,2 % reconnaissent avoir déjà été harcelés durant leur carrière. Le problème du vivre-ensemble ne se pose pas que pour les élèves.
Internet a-t-il changé la donne ?
Le harcèlement scolaire n’a pas abandonné la cour d’école, malheureusement, et il se prolonge désormais parfois sur la Toile. Auparavant, il s’arrêtait à la porte de l’école, se poursuivait parfois sur la route, dans les transports. Mais, l’élève, chez lui, pouvait se sentir de nouveau protégé, en famille. Désormais, un adolescent harcelé voit se prolonger les difficultés vécues dans la cour de l’école par une cyberviolence qui peut tout aussi bien surgir en pleine nuit. Le harcèlement devient global.
Comment se prémunir ?
Aujourd’hui, un grand nombre d’établissements, d’académies bougent, mais pas toujours de façon ordonnée. Les enquêtes de victimation que nous allons mener tous les deux ans nous aideront à mesurer le phénomène, et à voir comment le maîtriser. Il faut définir des actions éducatives globales entre la famille et l’école : c’est l’un des défis éducatifs majeurs. Il faut également travailler sur le vivre ensemble, pour faire d’une communauté scolaire une communauté réellement protectrice. Et pour cela, mettre en place une formation initiale des enseignants qui prenne en compte le phénomène. Le climat scolaire dans un établissement me semble être la meilleure des protections : allier sensibilisation, formation et vivre ensemble à l’école.
Budget Etat et régions s’affrontent sur les suppressions de postes
Enseignement secondaire Les syndicats examinent les nouveautés du baccalauréat
Enseignement supérieur Mastérisation : la proposition de loi de M. Grosperrin fait polémique
Enseignement supérieur Le Conseil d’Etat annule la création de l’ENS de Lyon
Politique éducative Dérives sectaires : une circulaire précise le rôle de l’éducation nationale
Personnels A la rentrée 2012, les postes « Eclair » seront ouverts sur une base nationale
Personnels Plus de 600 emplois d’infirmiers de l’éducation nationale sont vacants
Budget Le budget des universités est en hausse de 1,2 %
Orientation Le SNPDEN s’insurge contre une modification en catimini du portail APB