Jérôme Fourquet est directeur du département Opinions à l’IFOP.
Selon le sondage réalisé par l’IFOP pour « Le Monde » du 13 au 15 février, 46% des 712 enseignants interrogés comptent voter pour le candidat socialiste François Hollande au premier tour de l’élection présidentielle, et 79% ont l’intention de faire ce même choix au second tour. Le candidat UMP, Nicolas Sarkozy, recueillerait lui 12,% de leurs suffrages au premier tour, et 21% au second. Comment interpréter ces résultats ?
Il n’est pas surprenant que les enseignants votent à gauche, c’est une constante de l’histoire. Ce qui est impressionnant, c’est l’avance considérable de M. Hollande sur son principal rival. En 2007, le score était certes favorable à la gauche, mais sans commune mesure avec ce que l’on observe cette année [19% des enseignants avaient l’intention de voter pour M. Sarkozy au premier tour, contre 31% pour Ségolène Royal, selon un sondage IFOP - « Le Monde de l’éducation », réalisé à la même distance du scrutin, NDLR]. Ces intentions de vote reflètent un fort rejet de l’école de Nicolas Sarkozy de la part d’une profession qui estime avoir beaucoup souffert au cours du quinquennat, notamment du fait des suppressions de postes. D’où cette volonté de voter utile, de ne pas disperser leurs voix parmi les candidats de gauche comme ils l’ont fait lors des élections passées, afin de sanctionner le chef de l’Etat et de ramener la gauche au pouvoir.
L’autre grande leçon de ce sondage, c’est le clivage public/privé...
En effet, au second tour, 54% des enseignants du privé voteraient pour François Hollande, contre 80% dans le secteur public. Il est exceptionnel, dans ce type de sondage, qu’au sein d’une même profession, les écarts d’intentions de vote soient aussi importants. Les enseignants du privé ne perçoivent pas de la même manière les propositions de Nicolas Sarkozy : l’audience syndicale, dans leurs établissements, n’est pas la même, et l’autonomie s’y pratique davantage... Au final, on a deux catégories d’enseignants qui ont répondu au sondage comme deux professions distinctes.
Quelles sont les mesures prises au cours du quinquennat que les enseignants rejettent ?
En 2007, 51% des enseignants étaient « plutôt favorables » à une autonomie accrue des établissements ; ils ne sont plus que 32% aujourd’hui. En 2007 encore, 27% étaient favorables à l’idée de donner plus de pouvoir aux chefs d’établissement, notamment en matière de recrutement et de notation des enseignants. Ils ne sont plus que 16%. Si ces deux orientations suscitaient, il y a cinq ans, un certain intérêt, une curiosité dans la profession, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Accompagnée par une baisse des moyens, l’idée d’autonomie que porte le chef de l’Etat est plutôt associée à un phénomène d’abandon de l’école et à l’émergence d’un modèle libéral, inspiré des pays anglo-saxons.
La proposition de M. Hollande de recréer 60 000 postes séduit-elle ?
70% des enseignants y sont favorables et 18% y sont opposés. En revanche, un enseignant sur deux ne croit pas que cette promesse sera tenue.
Sur quels candidats pourraient se reporter les voix des enseignants qui avaient voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 ?
Les deux tiers des enseignants qui avaient voté pour Nicolas Sarkozy comptent revoter pour lui. Le tiers restant se partage entre François Hollande et François Bayrou. C’est bien la preuve qu’en 2007 le candidat UMP avait capté une partie de l’électorat enseignant
de gauche et que ces électeurs-là se détournent aujourd’hui de lui.
19% des enseignants comptent voter pour François Bayrou au premier tour. Un score décevant pour le candidat du MoDem ?
Oui, si l’on s’en réfère aux 27% d’intentions de vote en sa faveur à la même période en 2007. Le phénomène est général : François Bayrou ne bénéficie pas de la même dynamique qu’en 2007. Ses propositions sur l’école ne sont pas non plus de nature à susciter l’engouement des enseignants. En 2007, il avait bénéficié des erreurs de Mme Royal, qui avait déclaré que les enseignants devaient assurer 35 heures de présence dans les établissements. Cette année, la volonté première des enseignants est de ne pas reconduire Nicolas Sarkozy, et comme M. Hollande donne plutôt satisfaction, ils voteront massivement pour lui.
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