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Jorge Santibañez à propos du Mexique : « La réforme pour la qualité de l’éducation exige un changement de culture »

Jorge Santibañez est responsable de la planification et de l’évaluation des politiques éducatives au ministère de l’éducation du Mexique.

La dernière étude PISA de l’OCDE situait le Mexique en dernière position dans les tests de lecture, de sciences et de mathématiques. Est-ce la raison du lancement en mai de l’« Alliance pour la qualité de l’éducation » par le président Felipe Calderon et le Syndicat national des enseignants ?
Ses résultats, qui ont montré notamment que moins de 1 % des élèves mexicains de 15 ans avaient été jugés « capables d’un raisonnement sophistiqué et critique » en lecture, ou encore que plus de la moitié des élèves de 15 ans sont incapables de réaliser des exercices arithmétiques de base, ont été un déclencheur important. D’autres résultats d’évaluations nationales allaient dans le même sens : au test réalisé par tous les élèves entrant en 3e année d’éducation secondaire, 80 % des élèves montrent un niveau insuffisant en mathématiques, ce qui est très grave. Ces mauvais résultats ne sont pas une surprise pour nous. Nous savions que le système comptait de nombreuses déficiences. L’arrivée d’une nouvelle administration explique aussi la volonté de s’y attaquer aujourd’hui.

A quelles faiblesses du système éducatif mexicain la réforme doit faire face ?
Le premier chantier est d’améliorer la qualité des 200 000 écoles publiques d’éducation basique (pour les élèves de 6 ans à 15 ans). On estime qu’environ 30 000 d’entre elles ne réunissent pas les conditions minimales, soit en termes d’infrastructures et d’équipements (manque de tableaux, de chaises pour les enfants, parfois même de toits), soit en termes de climat scolaire (violences, conduites à risque), pour mettre les élèves dans de bonnes conditions d’apprentissage. Nous souhaitons changer aussi le modèle de gestion des écoles, sur un mode beaucoup plus participatif, pour y donner une véritable place aux parents. Dans la tradition mexicaine, on laisse l’enfant à la porte de l’école et on vient l’y reprendre, sans savoir toujours très bien ce qui se passe à l’intérieur. L’idée est donc de les informer sur la vie scolaire, le nombre de professeurs, d’élèves par classe, les programmes qu’ils suivent... pour qu’ils aient des éléments de comparaison avec les écoles voisines et que cela puisse déclencher une réflexion. L’autre idée est de leur donner un espace de décision dans l’école, qui pourrait prendre la forme d’une direction collégiale, sur des sujets comme l’organisation matérielle de l’école, et la possibilité d’avoir un regard sur le projet de l’école et la bonne application des programmes. Cela suppose un véritable changement de culture dans notre pays.

Le faible niveau des élèves au Mexique est souvent expliqué par le manque de qualification de son million de professeurs...

Comment comptez-vous agir sur les pratiques des enseignants déjà en poste ?
Au rythme de 5 % de nouveaux enseignants chaque année, il faudra une génération pour transformer le système en profondeur, et la réforme du concours ne va pas suffire à court terme. Pour ceux qui sont déjà professeurs, nous allons mettre en place une rémunération supplémentaire, en sus du salaire de base, qui ne sera plus indexée, comme c’est le cas aujourd’hui, sur l’ancienneté ou encore sur les résultats lors de sa formation au métier. Désormais, ce « surplus » dépendra de la performance pédagogique du professeur, de la qualité de son enseignement. Si les résultats de ses élèves aux évaluations nationales sont bons, s’il suit avec assiduité les cours de formation continue, et s’il répond avec succès aux tests de connaissances qui lui seront soumis sur son enseignement, alors il pourra gagner jusqu’à deux fois son salaire. Ces décisions de promotion seront prises par le ministère selon une nouvelle grille nationale de références du métier. Bien sûr, nous contrôlerons les possibles dérives pour éviter par exemple les professeurs qui corrigeraient eux-mêmes les copies et donneraient d’excellentes notes à leurs élèves, ou encore les écoles qui ne recruteraient que les meilleurs éléments...

Avez-vous les moyens de mener à bien cette réforme ?
Nous sommes optimistes, car il s’agit surtout d’un changement politique et culturel : la façon de répartir les ressources dans le système, l’intégration des parents dans la vie de l’école... Cette réforme ne coûte pas tellement : la part de l’éducation dans le PIB mexicain va rester de 7 % dans les prochaines années.

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