Patrick Picard est directeur du Centre Alain-Savary, à l’Institut français de l’éducation (IFé).
Vous avez été professeur des écoles et militant syndical. Aujourd’hui, vous travaillez aux côtés des hauts cadres de l’éducation nationale. Comment s’est fait ce passage ?
Par le travail, essentiellement. Mon dernier poste d’enseignant en classe, c’était à Senan, dans l’Yonne, jusqu’en 2002. Ensuite, j’ai été coordonnateur de zone d’éducation prioritaire dans le même département. Auparavant, mes dix années d’activité syndicale au SNuipp-FSU m’avaient amené à réfléchir sur notre métier. Je voulais comprendre, en particulier, pourquoi à certains endroits du département les résultats scolaires restaient désespérément faibles. Je suis retourné à l’université, à Clermont-Ferrand, où j’ai passé un master en psychologie sociale et cognitive, spécialité ingénierie de formation, sous la direction des chercheurs Michel Fayol et Roland Goigoux. Après quoi, devenu formateur au rectorat de Dijon, j’ai mis en place des groupes de formation qui réunissaient des professionnels du 1er et du 2nd degré.
Avec une idée-force : mieux articuler les savoirs
de la recherche, les savoirs des métiers et ceux de la formation. C’est cette idée qui reste le pivot
de mon travail actuel à l’IFé, l’Institut français de l’éducation, où je suis entré à en 2009.
Mais les enseignants regardent souvent de travers les experts qui, pensent-ils, les regardent de haut...
Le fond de la question est bien là ! Réussir la formation continue, c’est d’abord parvenir à comprendre comment et pourquoi les gens « font ce qu’ils font ». Cela exige d’identifier et d’analyser les problèmes du travail réel : les difficultés d’apprentissage des élèves mais aussi les difficultés de l’enseignant lui-même. Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut espérer que les savoirs issus de la recherche - qu’ils proviennent des didactiques, de la psychologie ou de la sociologie - soient vraiment utiles. Une autre condition déterminante est de construire avec les professionnels une relation de confiance, en évitant absolument les postures surplombantes ou simplificatrices. Cela prend du temps. C’est ce que nous nous efforçons de faire, avec une équipe d’une douzaine de personnes, au centre Alain-Savary de l’IFé. Nous produisons des ressources pour la formation, surtout pour l’éducation prioritaire, qui est le lieu où s’exacerbent tous les problèmes de l’école. Nous intervenons aussi dans les académies. Notre action s’appuie sur les réseaux de formateurs et d’inspecteurs, les chefs d’établissement, les conseillers pédagogiques, les coordonnateurs de l’éducation prioritaire, dont le rôle est très important.
Tout le monde prétend « coordonner », « articuler »... En quoi seriez-vous différents ?
Pour notre plate-forme en ligne Néopass@ction, qui utilise la vidéo et l’analyse du travail pour la formation des enseignants et des formateurs, nous filmons la réalité ordinaire. Nous montrons des situations où des enseignants, essentiellement débutants, ne sont pas toujours à leur aise. En acceptant de s’exposer, dans le cadre d’une relation de confiance, ils montrent que leurs difficultés ne relèvent pas de problèmes individuels, mais bien de questions de métier. Des questions auxquelles le système doit répondre s’il entend se donner les moyens, au-delà du slogan, de « faire réussir tous les élèves ». Par exemple, sur l’éducation prioritaire, le ministère a construit un « référentiel » pour aider les équipes. Ce document est un très bon outil mais son application ne peut être décrétée depuis Paris. Elle exige que, sur le terrain, des équipes intermédiaires accompagnent les enseignants. De même pour le dispositif « plus de maîtres que de classes », consistant à placer dans les écoles concernées un poste supplémentaire. L’accompagnement permet aux enseignants de mieux percevoir la nature des difficultés d’apprentissage des élèves. Il augmente leur capacité à créer de nouvelles situations pédagogiques, en particulier dans la maîtrise du langage oral, la compréhension de l’écrit et la production de textes. Mais il demande à tous les métiers qui se situent entre les enseignants et la technostructure d’être capables
d’instaurer de nouvelles formes de travail en
commun. L’efficacité commande de reconsidérer les rapports de pouvoir et de se départir des postures injonctives. C’est la seule façon de développer ce que nous appelons « l’inter-métiers », ce travail de maillage qui peut faire qu’une réforme embraye ou non sur la réalité.
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