| Oublié ?

La Lettre

Le point avec...

Xavier Sorbe, sur la crise du recrutement : « Plusieurs projets doivent contribuer à susciter des vocations »

Xavier Sorbe est inspecteur général de l’éducation nationale, président du jury du capes de mathématiques.

Le ministère de l’éducation nationale lance, le 10 décembre, une campagne de communication sur les recrutements en 2013. Exceptionnellement, deux concours seront ouverts, l’un en master 2, l’autre en master 1. Le défi est de créer 60 000 postes d’ici à 2017. Cet objectif est-il tenable ?
Plusieurs projets, initiés ces derniers mois, doivent contribuer à susciter des vocations. Je pense en particulier au prérecrutement proposé aux étudiants issus de milieux modestes, dans le cadre des emplois d’avenir professeur. Le rétablissement d’une formation initiale conséquente, privilégiant l’alternance avec des stages, est également de nature à rassurer les candidats potentiels. C’est un message fort qui est envoyé : enseigner est un métier qui s’apprend. Enfin, le discours positif de l’institution sur le métier d’enseignant peut avoir un impact favorable sur le nombre de candidats aux concours. Par ailleurs, les épreuves des concours prendront davantage en considération des aspects pédagogiques, conditionnant en amont des formations plus professionnalisantes. En mathématiques, une évolution a déjà été engagée : par exemple, une des épreuves orales s’appuie désormais sur l’analyse de travaux d’élèves. Les nouvelles épreuves pourront aller au-delà.

L’objectif des 60 000 postes nécessite-t-il, comme le soutient l’Association des professeurs de mathématiques, un prérecrutement plus large, ouvert à tous les étudiants et pas seulement aux boursiers ?
On peut toujours demander davantage. Mais, compte tenu du contexte économique, l’effort qui est fait - 18000 emplois d’avenir professeur créés d’ici à 2015 - est considérable.

Votre discipline est la plus déficitaire : 40% des postes n’ont pas été pourvus au capes de mathématiques en 2011, un tiers en 2012. A quand remonte ce phénomène ?
On observe une baisse régulière du nombre de candidats depuis 1997. Mais on a assisté à un effondrement au moment de la réforme de la mastérisation : entre 2010 et 2011, le nombre de candidats a été divisé par deux. En 1999, 945 postes étaient offerts au capes de mathématiques, pour 7332 candidats présents aux épreuves écrites. 13% ont été reçus, et la totalité des postes pourvus. En 2012, pour un nombre de postes équivalent, il y avait seulement 1 464 candidats, dont presque un sur deux a été reçu. En dépit de cette très faible sélectivité, un tiers des postes n’ont pas été pourvus.

Le niveau des admis a-t-il baissé ?
On ne peut pas nier que la baisse de l’attractivité a eu un impact sur la qualité du vivier de candidats. Mais le jury du capes a eu le souci de maintenir ses exigences. Le concours n’a pas été bradé. La preuve en est que nous n’avons malheureusement pas pourvu tous les postes.

Comment expliquez-vous la crise du recrutement ?
La mastérisation a entraîné des études plus longues, donc plus chères, avec le risque de dissuader les étudiants les plus défavorisés. Cette réforme a aussi induit une forme de concurrence avec d’autres filières : à niveau de qualification égal, on peut prétendre à des professions mieux rémunérées, considérées parfois comme plus attractives - l’informatique, les mathématiques financières... La réduction de la formation initiale a pu également inquiéter les étudiants. Mais cette crise n’est pas liée qu’à la mastérisation. L’image du métier d’enseignant a souffert d’être réduit à des clichés, par exemple autour des problèmes de violence, d’incivilités, etc. Je pense aussi que certains jeunes peuvent hésiter parce qu’ils aspirent plus qu’avant à des perspectives de deuxième carrière.

Pourquoi votre discipline est-elle particulièrement boudée ?
Elle pâtit de la désaffection des parcours scientifiques en licence. Ce phénomène prend sa source au lycée, où l’orientation des élèves en série S n’est pas toujours motivée par un projet scientifique. Cette série demeure la filière d’élite. Il appartient à l’ensemble de la communauté mathématique de se mobiliser. On a tout intérêt à développer très tôt des pratiques pédagogiques rendant les élèves plus actifs, stimulant leur curiosité et faisant appel à leur créativité. Les vocations pour l’enseignement se forgent souvent dès le collège ou le lycée.