François Dubet est sociologue de l’éducation, professeur à l’université de Bordeaux-II.
La circulaire de rentrée prévoit la mise en œuvre du dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA) pour les élèves dès l’âge de 15 ans. Le ministre de l’éducation nationale a aussi évoqué l’expérimentation d’une 3e « préprofessionnelle » et d’une 4e permettant « la découverte des entreprises ». Ces dispositifs sont-ils novateurs ?
Non. Le collège unique a été créé en 1975. Au milieu des années 1980, encore 20% des élèves étaient en « classe préprofessionnelle de niveau » (CPPN) ou en « classe préparatoire à l’apprentissage » (CPA). Le moyen qu’a trouvé le gouvernement de l’époque pour abolir ces filières a été de demander l’autorisation aux parents d’y inscrire les élèves. Ce sont donc les parents qui ont mis en extinction ces classes, perçues comme des voies de relégation. De fait, seuls 1% des enfants de cadres choisissaient ces filières. En 1985 sont apparues les classes de 4e et 3e technologiques. Elles ont été abolies près de dix ans plus tard par le ministre de l’éducation François Bayrou (qui venait d’écrire un violent pamphlet contre le collège unique...). En 2005, comme pour répondre aux émeutes dans les banlieues, le gouvernement lance l’idée d’une orientation professionnelle dès la 4e. Les patrons d’entreprise avaient rétorqué que ce n’était pas à eux de prendre en charge les élèves en difficulté, mais à l’éducation nationale ! Tous les sondages montrent que les enseignants restent favorables à un seuil d’orientation en fin de 5e. Ils n’acceptent pas facilement le collège unique.
Faut-il voir, dans cette diversification des parcours, la fin du collège unique ?
Ce qui est choquant dans les propositions du ministre, c’est l’idée que, quand un élève ne réussit pas, la formation professionnelle est faite pour lui. Outre le fait qu’il entérine une forme de hiérarchie scolaire, le ministre prend un risque majeur : celui d’ouvrir une filière qui va reléguer les mauvais élèves, une sorte de « canal de dérivation » qui va inexorablement se remplir d’élèves faibles et pénibles. On va droit vers une mise à mal du collège unique, sans même l’avoir voulu. Sur le recrutement social des élèves de ces filières professionnelles, le pronostic est assuré : celles-ci vont attirer les enfants des catégories sociales défavorisées. Elles seront alors identifiées comme des « sous-filières » stigmatisantes socialement.
Pourquoi le collège unique suscite-t-il souvent la défiance ?
Parce que nous ne sommes jamais sortis de l’évidence culturelle selon laquelle la formation professionnelle est faite pour les cancres et que le collège est le premier cycle d’un lycée général, classique, bourgeois. Comment pourrait-il en être autrement, alors que les mêmes professeurs enseignent au collège et au lycée ? Alors que les programmes de collège sont construits comme ceux du lycée ? Pourquoi les programmes ne seraient-ils pas faits aussi pour orienter en lycée professionnel ? Pourquoi les dispositifs de découverte professionnelle ne s’adressent-ils qu’aux mauvais élèves ? Faut-il attendre la fin de ses études longues et théoriques pour découvrir les métiers quand on est bon élève ? Trente-cinq ans après sa création, le collège unique n’est toujours pas entré dans les mœurs. Et, au moment où l’on avance dans la logique du socle commun, l’idée d’une professionnalisation dès la 4e fait désordre...
Est-ce une particularité française ?
La France reste bloquée dans son modèle de bataillon qui avance à son rythme et laisse au bord de la route un nombre croissant d’élèves. Vu que l’on n’est pas capable d’accepter le collège unique, on est constamment tenté de créer, en marge de celui-ci, des dispositifs -soutien scolaire, filières parallèles- pour prendre en charge les élèves dont on ne sait pas quoi faire. Au fond, l’enjeu est de savoir si l’on accepte l’école unique jusqu’à 16 ans ou pas. Certains pays, scandinaves, anglo-saxons, l’ont accepté. Leurs élèves sont ce qu’ils sont, et la pédagogie employée vise à les faire tous progresser, de façon à ce que même les plus faibles profitent du système. Les professeurs ne sont pas obsédés par le classement et la sélection. Et quand ils distribuent des exercices, ils donnent des versions de niveaux différents. Alors qu’en France, il apparaît presque normal qu’un tiers des élèves ne parvienne pas à répondre à un exercice !
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