Difficile à croire, sur fond de polémiques incessantes. Il existe pourtant dans l’éducation nationale, en ce moment même, protégée des regards par ses aspects techniques, une réforme en gestation qui pourrait presque faire l’unanimité. Trop beau pour être vrai ?
Selon un précepte politique élémentaire, un ministère de l’éducation ne saurait réveiller un dossier sensible à l’approche d’une élection présidentielle, et alors que d’autres sujets d’importance sont déjà à vif. Pourtant, l’évaluation et les perspectives de carrière des personnels sont un démenti à cette fausse évidence. Le protocole PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations), qui concerne toute la fonction publique et dont l’application à l’éducation nationale a déjà fait l’objet d’une présentation aux syndicats le 1er juin (La Lettre n° 886), puis d’une communication ministérielle sur le thème des « nouvelles carrières enseignantes », continue de suivre son cours. Cette revalorisation, programmée jusqu’à l’année 2020 en dépit d’une possible alternance en 2017, se traduit par une refonte des grilles indiciaires et des progressions de carrière. Le « deal » proposé par le ministère aux syndicats consiste à lier cette revalorisation à une révision de fond des modalités d’évaluation.
« Il s’agit de passer d’une logique de contrôle à une logique d’accompagnement professionnel », résume Claire Krepper, du SE-UNSA. Mais contrairement à d’autres dossiers, cette nouvelle donne de l’évaluation n’intéresse pas que les syndicats dits « réformistes ». La FSU en est pleinement partie prenante. Depuis juin, les choses ont avancé sur deux plans. D’une part, la modification des grilles indiciaires donne lieu à l’élaboration de textes réglementaires, en cours d’écriture, qui seront bientôt soumis au comité technique ministériel (CTM). D’autre part, un groupe de travail comprenant tous les partenaires, présidé par Bernard Lejeune, directeur de cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, et nourri par les apports, notamment statistiques, de la direction générale des ressources humaines, planche sur les nouvelles modalités d’évaluation, corps par corps, personnels de direction compris.
Pour mémoire, le schéma présenté en juin remplace les trois rythmes actuels d’avancement des professeurs - ancienneté, choix et grand choix - par un cadencement unique. Celui-ci est assorti d’exceptions, à travers quatre rendez-vous de carrière : les deux premiers, aux 6e et 8e échelons, permettant à 30% des effectifs de gagner une année d’avancement, le troisième, entre le 9e et le 11e échelon, décidant de l’accès à la hors-classe, et le quatrième, en fin de carrière, de l’accès à un nouveau grade baptisé classe exceptionnelle. Chaque année, 80% de l’accès à ce grade doit être attribué selon une liste de fonctions exercées pendant au moins huit ans, et 20% selon d’autres critères. La liste des fonctions concernées et la fixation des autres critères sont sur la table des discussions, qui doivent aussi déterminer, pour chaque étape de carrière, « qui » évalue en fonction de quelle grille d’appréciation.
Le projet actuel supprime la traditionnelle double notation des professeurs, additionnant la note administrative délivrée par le chef d’établissement et la note pédagogique émanant de l’inspection. Il s’oriente, hors les quatre rendez-vous, vers une évaluation formative, déconnectée de l’avancement. Sur tous ces points, des divergences existent, mais toutes les grandes forces syndicales sont calées sur le mode participatif. Le sujet est « sensible, mais pas explosif », remarque Catherine Nave-Bekhti, qui suit ce dossier pour le SGEN-CFDT. Le ministère aurait voulu conclure fin juillet, mais se donne maintenant comme objectif la fin septembre. Fragile miracle : personne, à ce stade, ne menace de claquer la porte. L.C.
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