Benjamin Moignard est maître de conférences à l’UPEC (laboratoire LIRTES) et codirecteur de l’Observatoire universitaire international éducation et prévention (OUIEP)
Vous êtes enseignant-chercheur et responsable depuis 2012 d’un Observatoire universitaire international éducation et prévention, dans le cadre de l’université Paris-Est-Créteil. Quels sont la raison d’être et le rôle de cette structure ?
Sa création part de la volonté de rapprocher le monde de la recherche et celui des acteurs de l’éducation au sens large. L’idée est celle d’une alliance d’un type nouveau entre recherche scientifique, réflexivité et formation. Il s’agit de ne pas reproduire un morcellement de l’action, dommageable, entre les institutions éducatives alors qu’on voit bien sur le terrain que les publics sont les mêmes. Il faut dire aussi que le monde de la recherche a parfois du mal à se rendre disponible ou lisible pour les équipes éducatives. Par exemple, sur la question du climat scolaire, la recherche a produit depuis maintenant une trentaine d’années des résultats, qui ne sont pourtant pas retranscrits et accessibles aux intéressés. Ou alors ils ne sont perçus que sous un angle très idéologique, alors que l’enjeu est d’alimenter le terrain à partir de connaissances scientifiques vérifiées.
Beaucoup d’enseignants suspectent les chercheurs en éducation d’ignorer la réalité du terrain...
Nous voyons bien, en effet, qu’il existe une méfiance ou au moins une réserve, surtout lorsque des résultats de recherches semblent contredire certaines convictions que les enseignants tirent de leur vécu. Par exemple, certains travaux montrent que les effectifs des classes, en tout cas dans les milieux ordinaires, ne sont pas aussi décisifs que beaucoup d’enseignants le pensent. Mais la méfiance tient aussi au fait que, dans l’état de l’école aujourd’hui, les enseignants sont particulièrement sur la défensive. Cela fait maintenant une quinzaine d’années que je fréquente des établissements dans une position de chercheur et je constate une tension croissante à l’égard de tout ce qui peut représenter une forme de jugement de l’extérieur. Nous devons mettre en place des stratégies pour rassurer les enseignants sur notre venue, sur le fait que nous ne sommes pas là pour les juger et que nous allons nous investir sur une certaine durée pour les accompagner. Tel que le monde de la recherche est organisé aujourd’hui, rares sont les financements qui permettent de passer du temps sur le terrain et de faire des restitutions d’enquêtes en établissement. La construction des carrières des chercheurs est prioritairement axée sur la publication dans des revues scientifiques et ne valorise pas ce type de travail. C’est très clairement parce que nous avons un soutien très fort de notre université que nous pouvons nous le permettre. Par ailleurs, la communauté scientifique doit comprendre que ses terrains d’observation ne sont pas des ressources inépuisables et que nous ne sommes pas là seulement pour « prendre », c’est en tout cas la philosophie que nous essayons de pratiquer.
Un exemple ? Nous nous efforçons de monter des projets qui associent plusieurs établissements, qui se déploient sur un temps long et qui apportent des outils aux équipes éducatives. C’est ce que nous faisons dans le cadre du projet Adhere (action contre le décrochage et le harcèlement : éducation et régulation par l’environnement), qui est mis en place en ce moment et doit se dérouler jusqu’à fin 2017. C’est un projet financé par le Fonds social européen et dirigé au niveau national par Eric Debarbieux. Il vise à prévenir la violence, le harcèlement et le décrochage par une approche « cousue main » selon le contexte, et non par une solution unique censée résoudre tous les problèmes. Il concerne dans l’académie de Créteil treize collèges, tous en éducation prioritaire, et leurs écoles de secteur. Nous y faisons passer des enquêtes de climat scolaire dont le diagnostic est ensuite restitué auprès des directions et auprès des équipes, dans certains cas même auprès des élèves. Ces données nous servent par ailleurs à la description du climat scolaire et de son évolution, mais nous apportons bien des réponses concrètes à des problématiques très locales. L’étape suivante consiste à mettre en place des formations, assurées soit par nous-mêmes, soit par des associations partenaires.
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