Une première série d’annonces, le 26 septembre à Grenoble. Une autre, attendue le 19 octobre, à Paris, à l’occasion d’une journée consacrée à l’innovation. Tardif, l’engagement ministériel sur ce thème devra aussi contenir la culture du « je ne veux voir qu’une tête »
La main droite (celle du ministère de l’éducation nationale) sait-elle toujours ce que fait la main gauche (celle de l’administration) ? Dans toute organisation pyramidale, les contradictions entre la volonté politique au sommet et les hiérarchies chargées de l’appliquer sont monnaie courante. Il arrive que le paradoxe soit particulièrement aigu.
Le hasard a voulu qu’au moment même où Najat Vallaud-Belkacem et son équipe décident de reconnaître la valeur de « l’innovation » et de prendre une série de mesures pour la favoriser, l’équipe du collège expérimental Clisthène, à Bordeaux, se sente soudain - dans sa quatorzième année d’existence - gravement menacée dans son autonomie de travail, condition clé de sa pérennité. Peu importent les détails et leurs poisons conflictuels : semblable mésaventure n’est pas une originalité parmi les innovateurs qui, comme cette équipe, tiennent à se situer dans le cadre et les obligations du service public. Une fois de plus, il est ainsi démontré que l’ancienneté, la notoriété, la persévérance, la reconnaissance locale et nationale, la loyauté envers l’institution ne sont pas une protection suffisante pour qui prétend expérimenter des modalités d’enseignement s’écartant un tant soit peu de la norme.
La culture du « je ne veux voir qu’une tête » reste vivace. C’est une des réalités auxquelles devront se confronter les anciens et nouveaux acteurs de l’innovation éducative à la française, qui seront à l’honneur le 19 octobre, à Paris, lors d’une « journée » sur ce thème. Celle-ci doit faire suite, en plus affirmé, à une première manifestation le 26 septembre à Grenoble. La ministre y avait fait trois annonces : l’attribution d’une mission de réflexion et de proposition à François Taddei, généticien, créateur du Centre de recherches interdisciplinaires ; la nomination de Philippe Watrelot, ex-président du CRAP-Cahiers pédagogiques à la tête du Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative (Cniré) ; le lancement des Instituts Carnot de l’innovation, destinés à servir d’interface entre la recherche et le terrain.
Ces trois protagonistes -avec sans doute un « plus » pour le premier qui ambitionne de mettre en place un vrai système de « R &D; » (recherche et développement) dans l’éducation nationale- seront de nouveau au centre des attentions. Pour convaincre, et vaincre les réticences qui entourent la notion d’innovation, souvent perçue comme agressive par ceux qui se sentent simplement « normaux », l’équipe ministérielle devra indiquer de quelle manière elle entend procéder pour réellement agir en ce domaine dans les quelques mois qui précèdent l’échéance présidentielle.
La barre est d’autant plus haut placée que cet engagement est tardif. L’innovation éducative -celle des créateurs et des porteurs de projets- a été jusqu’à présent reléguée à l’arrière-plan par la priorité donnée à la réforme du collège. Le gouvernement a fini par prendre conscience d’un phénomène montant depuis une quinzaine d’années et qui connaît une accélération : la récupération par les courants libéraux et droitiers de l’aspiration à une « école différente », très présente chez une partie des familles. Une école moins traditionnelle, plus centrée sur le bien-être et le développement de la personnalité des enfants. Une des réponses à cette aspiration peut être le développement du « hors contrat ». Une autre réponse est l’innovation dans le cadre du service public. Encore faudrait-il ne pas dégoûter ceux qui ont fait ce choix. L.C.
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