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Ecoles hors contrat    : du contrôle des risques au risque du contrôle

Pour un contrôle plus strict de l’instruction à domicile et des écoles hors contrat, la ministre de l’éducation entend engager « une démarche pragmatique ». Mais à peine a-t-elle esquissé son projet que des voix s’élèvent pour lui prêter un caractère « liberticide »


Le psychodrame national déclenché, en février, par une «  réforme  » de l’orthographe pourtant inexistante a démontré que, dans un contexte d’impopularité du gouvernement et de crispation des oppositions de toute nature, l’éducation restait un terrain extraordinairement propice aux polémiques. Cette fois, il existe une assise factuelle  : Najat Vallaud-Belkacem a confirmé le 8 juin qu’elle s’apprêtait à modifier, dans le sens d’un contrôle accru, le régime de l’instruction à domicile, de même que celui de l’ouverture des écoles privées hors contrat. Deux amendements législatifs, un décret et une circulaire sont envisagés, indiquait-on dans l’entourage de la ministre, où l’on évoquait même l’hypothèse de légiférer par ordonnances.
En termes quantitatifs, ce projet porte sur une réalité marginale  : seulement 56 400 élèves, soit moins de 3 % de l’effectif total du secteur privé, sont accueillis dans la galaxie des établissements hors contrat, dont 300 se déclarent confessionnels (200 catholiques et 50 musulmans). Quant à « l’école à la maison », elle ne concerne qu’environ 25 000 jeunes, selon des statistiques de 2014-2015. Une goutte d’eau rapportée aux 8,1 millions de jeunes soumis, de 6 à 16 ans, à l’obligation scolaire.
Toutefois, ces deux modalités minoritaires d’instruction affichent une tendance à la hausse. Ainsi, selon le ministère de l’éducation, le nombre d’écoles hors contrat a augmenté de 26 % de 2011 à 2014. Quant aux jeunes instruits à domicile, leur effectif est passé de 18 820 en 2010-2011 à près de 25 000 en 2014-2015. En majorité, ils suivent des cours par correspondance, mais 7 000 d’entre eux sont «  instruits à domicile sans inscription déclarée dans un organisme d’enseignement à distance  », indique une note interne du ministère.
C’est sur ceux-là que le gouvernement souhaite organiser une plus forte vigilance, de même qu’il se déclare sensible, en ce qui concerne les écoles hors contrat, aux «  risques de radicalisation  ». Cette dernière expression renvoyant en principe à toute forme d’extrémisme mais, de fait, à la crainte d’un possible investissement dans l’éducation de la part des milieux fondamentalistes musulmans.
Concrètement, en ce qui concerne les familles, seraient mis en place des contrôles plus fréquents et stricts. Quant aux établissements hors contrat, il s’agit de passer, selon des modalités qui restent à préciser, d’un régime déclaratif assorti de contrôles a posteriori, à un régime d’autorisation préalable.
«  L’Etat ne peut être ni aveugle ni naïf  : on voit parfois se développer des enseignements trop lacunaires, ne garantissant aucunement un socle minimal de connaissances aux enfants, voire attentatoires aux valeurs républicaines  », a expliqué Najat Vallaud- Belkacem pour justifier ce qu’elle présente comme «  une démarche pragmatique réclamée, à gauche comme à droite  ».
De fait, le projet éducation du parti Les Républicains martèle que «  l’école doit pratiquer la tolérance zéro à l’égard des pratiques communautaires  ». Mais la même opposition défend aussi, désormais, le développement d’un secteur hors contrat au nom du «  pluralisme  » scolaire. L’enseignement catholique a tout de suite fait part de sa désapprobation et de son inquiétude. Et, cependant que des familles lançaient déjà des appels à manifester, des tribunes étaient publiées dénonçant une visée «  liberticide  ». Le gouvernement assure que tout va bien se passer, mais de nombreuses forces sont déterminées à prouver le contraire.