Françoise Lantheaume, sociologue, est directrice du laboratoire ECP (Education cultures politiques) à Lyon-II
Le vieillissement de la population enseignante est un phénomène international. Est-il plus fort en France qu’ailleurs et en quoi serait-il forcément un « problème » ?
« Ailleurs » est très divers selon les continents. Dans les pays de l’OCDE, la tendance générale est au vieillissement. En France, la proportion assez élevée d’enseignants de plus de 50 ans (24,5 % dans le premier degré, 30,4 % dans le second degré en 2015) est liée aux recrutements importants au moment de la massification de l’enseignement et à la baisse qui a suivi, mais aussi à une entrée plus tardive dans le métier qui contribue, avec le recul de l’âge de la retraite, à l’allongement des carrières. Cette tendance est souvent perçue comme un problème par les pouvoirs publics car, outre le coût plus élevé d’enseignants plus âgés, une représentation sociale associe âge, perte d’efficacité, absentéisme et conservatisme. Ce n’est pas propre aux enseignants. Par ailleurs, du côté des enseignants eux-mêmes, après le temps de la découverte du métier puis de la stabilisation, vient une nouvelle étape qui peut être vécue très différemment.
Vos travaux soulignent que les enseignants de plus de 50 ans éprouvent une « moindre satisfaction au travail »...
Les comparaisons entre des enseignants d’âge et d’ancienneté différents convergent en effet : les plus âgés expriment plus souvent l’opinion que leurs conditions de travail se sont dégradées. La situation des plus de 50 ans est paradoxale : d’un côté, ils ont accumulé de l’expérience et des compétences, d’un autre ils ressentent plus durement la pénibilité d’un métier très sollicitant. Le bruit, l’injonction aux « résultats », certains gestes sollicitant le corps (particulièrement en maternelle et en éducation physique et sportive), la rotation rapide des réformes, le décalage croissant d’âge et de centres d’intérêt par rapport aux élèves, dont ils ont parfois l’âge de leurs grands-parents, contribuent à un rapport plus difficile au travail. Mais si ce constat peut correspondre à une certaine idéalisation du métier « d’avant », l’intensification du travail et l’évolution du métier sont réelles par rapport à leurs débuts dans les années 1970. Nous avons choisi d’étudier les enseignants qui vieillissent plutôt bien au travail afin de comprendre ce qui facilite leur « durabilité » en bonne santé, avec une efficacité reconnue par eux-mêmes et leurs pairs.
Vous citez la « posture critique » et la revendication d’autonomie professionnelle parmi les facteurs positifs... Mais cela ne présente-il pas aussi le risque de l’aigreur et de la victimisation ?
Nos résultats qualitatifs montrent que les enseignants qui « durent bien » dans le métier ne sont pas dans une position victimaire, mais plutôt proactive et soutenue par un réseau de ressources personnelles dont ils tirent de la reconnaissance. Ils acceptent l’altérité des élèves, sont engagés dans leur travail tout en manifestant une distance critique, y compris à l’égard de leurs propres pratiques, ce qui leur permet de se renouveler. Cette distance concerne aussi les modes éducatives et les injonctions institutionnelles dictées par un agenda politique, qu’ils relativisent. Loin d’avoir une « pensée arrêtée », ce qu’Anne Barrère a désigné comme le principal risque du métier, ils mobilisent leur conception de la profession pour traduire ce qui leur est demandé, soutenus par la fidélité aux valeurs qui ont justifié leur engagement professionnel et leur volonté de faire du « beau travail ». La mise en récit de leur expérience, même si elle a été difficile, est aussi une caractéristique de ces enseignants, en opposition à une expérience morcelée qui ne ferait pas sens. Loin d’une application aveugle des consignes, ils se soucient du contexte et cherchent des solutions inédites. Les relations qu’ils ont avec leurs collègues et leur chef d’établissement (qui peuvent être des soutiens ou pas) jouent un rôle décisif, de même que l’organisation locale du travail. Finalement s’il y a des spécificités des plus de 50 ans, l’étude de ceux d’entre eux qui s’estiment plutôt satisfaits révèle que les conditions à réunir pour bien vieillir comme enseignant doivent être préparées, organisées, pensées par l’institution et les professionnels.
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